Quand est-ce qu’est apparue cette analogie au crabe. Le temps distendu étonnamment, alors que des phases sont urgentissimes et ne souffrent aucun délai, des temps de latences discontinus surgissent, on en reparlera, qui permettent le questionnement, la suspension, l’introspection.
Bon. Pourquoi. Comment en suis-je arrivé là?
 
Une histoire de cœur. Une de plus. Singulière? Elles le sont toutes. Cœurs brisés, fêlures ou infarctus, ah là quelques contiguïtés inattendues dissonent.
 
Mais le crabe dans tout ça? Oh c’est décousu cette affaire. Mais en fait pas trop. Patience et tiens; semons un début. J’attends, en souffrance, mais vraiment des douleurs terribles, l’opération qui a vocation à m’implanter un Port à Cath [PAC] . Oui, demain c’est chimio. D’où le libellé: « Carnets de Chimio ». Allez, Temesta et au bloc. A tantôt…
 


En Grèce antique, courte digression annoncée. Entre 460 et 370 avant JC, Hippocrate est le premier à comparer le cancer à un crabe (karkinos en grec). Galien ensuite confirme. Le fait est accompli.
 
Cette nuitée est déjà inoubliable. un lymphome s’étend dans mes hanches, en déborde les contours pour se loger dans le foie, la rate, atrophiés. Des ganglions rayonnent, scrotum le douloureux, le big one dans le torse, 5 cm de circonférence; un planétoïde dans la constellation des éléments d’anatomie.
 
Les douleurs vives, celles qui brûlent, qui ne laissent aucun répits. L’oncologie redécouvre les desseins cardiaques. Quand ça cogne, ça cogne.
 
Enfin la pénombre et les médicaments viennent à la rescousse. Derrière il y a quelqu’unex. Derrière il y a une équipe. Dont on va tout au long de notre chemin commun énoncer les qualités, les implications, les mœurs et les pratiques. Nous allons écouter le bruissement incessant, le murmure de la machine qui nous soulage et qui nous sauve. Nous allons cheminer oui. Prends tes dispositions, les rencontres seront nombreuses, jour et nuit se confondent, d’ailleurs plus aucun quotidien ne porte de nom.
 
Cette nuit la douleur s’écarte. Je sens bien qu’elle est tapie et qu’elle va resurgir, c’est ainsi un jeu de cache cache, de dissimulation, de stratégie, d’observation silencieuse et aveugle.
 
Les yeux clôt l’on jauge pour s’en prémunir. Alors prenons quelques instants de sommeil, à chaque pas une découverte alors que goutte la perfusion liminaire. 12h d’hydratation pour accueillir les produits toxiques de la chimio, alors allons nous délaisser et penser à la suite de ce récit. Car il n’est point là au cœur du fait. Le cœur c’est le récit et inversément. C’est nous l’avons dit une histoire, singulière, de cœurs brisés et d’infarctus.
 
Nous sommes à l’entrée de décembre 2020, dans une des chambres d’hôpital confortable au plus haut point, équidistant de l’oncologie et des espoirs qu’il me reste à activer vigoureusement. Quelques écarts descriptifs viendront témoigner pour en saisir la mesure, on en limitera l’usage.
 
Un petit cartable improvisé, ordi, téléphone, inévitable livre de Pierre Desproges, cahier vierge et de quoi écrire. Un couloir à passer, claudiquant sur ma béquille. Une petite salle confortable et vitrée, deux grands sièges escamotables et rembourrés. C’est un peu ma nouvelle maison alors domestiquons-là.
 
Le temps. Une notion qui se réinvente perpétuellement. Extrêmement resserré lorsque arrivent les alertes et puis si distendu lorsque l’on soigne. Une perfusion de base c’est 12h de temps asservi à la machine. Hydratations, infusions, NACL, Glucose, solution salée, etc.. il s’agit de diluer, de rincer; d’accueillir les produits de la chimio dans son corps.
Et alors cette chimio?
 
Rejet. Frissons, spasmes, fièvre et tachycardie. Non l’on s’y attardera pas. Interruption à quelques heures du commencement, un répit pour mieux continuer le lendemain. Dont acte. Bonne nuit. Aujourd’hui, on va pas se mentir, c’était dur, le soir ressemble à un champ de ruine.
 

Bande son: Yann TIERSEN « Comptine d’un autre été ».
 
Un écosystème. Un univers parallèle. Rien n’a prise sur un hôpital. Tout les corps de métiers y sont opérationnels, pompières, techniciens, transporteuses, épygénéticiennes, cuisinières, nettoyeurs, mécanos… dans le ventre de la baleine, les couloirs joignent des lieux inconnus, ouvre sur des horizons inattendus, aux antipodes les uns des autres et qui pourtant rendent un tout cohérent, efficient et réactif; paré à tout impondérables qui surgisse ou qui s’installe; en tout temps par toutes les conditions.
 
Une qualité est requise pour s’y mouvoir apaisé, c’est l’imaginaire. Cette faculté de prendre patience, de picorer et glaner des images des propos qui vont nourrir nos représentations spatio-temporelles des lieux et des temps. Un pansement en ortho peut conduire à une échocardiographie, une séance de médecine hyperbare à l’angiologie et radiologie. L’hôpital se vit et s’écoute. Les oreilles attentives conservent les corps meurtris.
 
Qui voit-on poindre au fond du corridor? Docteuresses ou docteurs, en grappe ou esseulés, en visite médicale en formation ou en intervention. Nimbés des aides soignantes et des infirmières; mais pourquoi en suis-arrivé là disais-je?
 
Oui. C’est l’histoire d’un cœur et du crabe. D’un cœur brisé jusqu’à l’infarctus et d’un cancer qui cavale dans les veines, les os et les organes. C’est l’histoire d’un abandon, d’autrui et de sois; d’un voyage à sois, et des questionnement existentiels urgent; peut-on être heureux dans ce monde da malheur?
 
Peut-on confier la clé de son univers, se mettre à nu au devant d’autrui tout livré à la trahison la traitrise, le mensonge et l’abandon, la cruauté toute entière qui habite notre condition et qui parfois éclabousse le blanc linceul qui nous conduit de l’alpha à l’Omega, de la venue au monde à la fin de parcours.
 
Et alors cette chimio?
On y vient, c’est pas gai, mais c’est intéressant…. Très. Et c’est pour ainsi dire vital.
 

 
Partie 1.2, sur Insta
 
Version intégrale Spéciale YTB. [Première à 22h]

 
 
Oncologie…

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